Préface
« Le blason est aujourd'hui, en France, une matière assez peu entendue. La Révolution et l'esprit de réaction morale qu'elle a traîné après elle ont jeté une telle défaveur sur toutes les choses qui tenaient, de près ou de loin, à notre ancienne monarchie, qu'on a dédaigné généralement de s'en instruire, comme si la science était jacobite ou puritaine, plastronnée de fleurs de lis ou morionnée d'un bonnet rouge. Nous sommes donc aujourd'hui beaucoup moins instruits en blason que ne l'étaient, il y a soixante ans, les laquais et les cochers des maisons titrées. Dans l'ancien régime, les valets étaient obligés de connaître assez bien les armoiries et les livrées, afin de savoir, par la ville, à quelles voitures celles de leur maître devait céder le pas. Beaucoup de familles étaient fort rigoureuses sur cette partie de la hiérarchie nobiliaire, et les domestiques s'exposaient à être battus dans la rue, s'ils faisaient trop, et chassés du logis, s'ils ne faisaient pas assez. Il y a aujourd'hui des gentilshommes très bien prouvés, qui ne seraient pas, à cet égard, aussi experts que les laquais de leurs grands-pères, et il passe dans les rues de Paris plus d'une voiture armoriée dont les maîtres seraient fort embarrassés de lire le blason » (1).
Ce passage d'un livre très remarquable à beaucoup d'égards explique l'origine et le but de notre publication. Puisque le blason est « une matière assez peu entendue, » il nous a semblé qu'un exposé méthodique des règles qui le constituent pourrait ne pas être tout à fait sans utilité, et c'est un travail de ce genre que nous nous sommes décidé à offrir au public. Il existe sans doute déjà des traités du même genre, — il y en a même d'excellents dans le nombre, — mais les mieux faits sont difficiles à trouver, et, d'un autre côté, leur prix commercial, en général très élevé, les rend inabordables à la plupart des travailleurs. Pour donner à notre livre un caractère plus grand encore d'utilité, nous avons cru devoir y comprendre un traité élémentaire des Ordres modernes de chevalerie et de courtes notions sur plusieurs questions de législation nobiliaire, qui intéressent à divers degrés une partie assez importante de la grande famille française. Enfin, nous l'avons terminé par un Index détaillé, destiné à faciliter les recherches. Inutile d'ajouter que notre livre étant une nouvelle édition, nous en avons revu avec soin les différentes parties, à tel point même que le texte s'en est trouvé presque entièrement refondu et doublé. d'après l'Abrégé méthodique de la science des armoiries
W. Maigne — Paris,
1885
Note de l'auteur
1- Granier de Cassagnac, Histoire des classes nobles, I, 39-40
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